Les bonnes feuilles : florilège d'extraits représentatifs d'une œuvre.
作品からの特選集
"Les bonnes feuilles", c'est aussi une émission de France Culture, qui permet chaque jour de découvrir les premières pages d’un roman, d’un récit littéraire, d’un recueil de nouvelles ou de poésie, lues par leur auteur.
De temps en temps, nous vous proposerons un écrivain. Aujourd'hui, nous avons choisi le texte de Pierre Lafargue intitulé "Aventures", publié aux éditions Vagabonde.
時々、皆様にフランスの作家をご紹介します。
Bon certes ce fut une époque pleine de certifiudes. Mais le confort qu'on en retirait avait quelque chose d'assommant. Détail significatif et d'une ironie savoureuse : le Héros-type de cette époque qu'il allait modifier tenait dans la main droite un marteau. Je crois que c'était un marteau d'or fin. Un certain éclat me le fait croire. Je crois que le héros était comme ci, je crois qu'il était comme ça. J'aime croire qu'il s'exprimait de telle façon, qu'il s'étirait le matin comme je le fais en ce moment, que son haleine était fraîche, que son intelligence sentait bon, que sa tristesse ne se départait jamais d'un air de noblesse, que nos sales manières l'écorchaient comme un petit lapin, que je ne me trompe pas trop. J'en suis réduit à créduler, oui - sans repère, incapable de m'orienter, je tâtonne dans une grande pièce obscure, ni plus ni moins : le doigt n'en finit pas de chercher le Calice, il le manque depuis toujours, mais on croit encore et toujours au Calice, et que sa forme est comme ceci, et qu'il contient Cela, et qu'on est tout près de le saisir. C'est assez amusant. Ils me privent de beaucoup d'informations, sur ce héros et sur tout ce qui s'est passé, ils ne veulent pas que je possède l'intelligence des événements, je dois me contenter du peu que je sais mais ce sont hélas des bagatelles, des petites îles perdues dans des mers sombres où fut englouti un continent entier. Si vous attendiez que je vous montre l'Amérique, je crains donc de n'être pas le pilote qu'il vous faut : ma science se limite à voir ces quelques rochers nus qui affleurent à cent mètres des côtes que je n'ai jamais quittées. Je fais resurgir le reste par l'imagination, si vous voulez, je complète le tableau selon l'inspiration et l'humeur, le résultat me semble plausible voire beau mais je devine que ces reconstitutions à la diable ne vous seront pas d'un grand secours dans vos voyages de découverte : rien, il est vrai, ne remplace les récits détaillés des vieux flibustiers ou les cartes marines dessinées avec soin dans des couvents portugais. Quoi qu'il en soit, souvenez-vous-en bien : l'essentiel, la base de tout, le primordial, c'est que le Héros-type avait un marteau. Un marteau ou une petite canne, ou une tartelette, ou une martelette. Voilà une chose certaine, scellée au bas de dix grands sceaux verts pendant à dix rubans de soie dont les cinq premiers sont verts et les cinq autres rouges. Je vais quand même ajouter deux ou trois mots très véridiques puisque je vois qu'on les attend. Allons-y. À cette époque, les plus attentifs notaient cela : en chaque homme, en chaque femme un penchement, qu'on peut qualifier de petit, ou de léger (un léger penchement), se maquillait (assez bien) en belle droiture sacrement perpendiculaire à la ligne d'horizon. Ceci mis à part, c'était, ce fut une époque, comment dirai-je, pleine de certifiudes. Bien dit.
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